PREAMBULE

L’Association Nationale des Avocats de Victimes de dommages corporels (ANADAVI) formule depuis plusieurs années diverses critiques et suggestions quant au fonctionnement des dispositifs d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux.

Ces suggestions de réforme émanent non seulement des avocats eux-mêmes mais également de leurs clients victimes d’accidents médicaux dont ils souhaitent porter les revendications.

Dans le cadre des travaux de réflexion engagés notamment par le Médiateur de la République sur une nécessaire réforme de la loi du 4 mars 2002, l’ANADAVI a souhaité isoler deux ensembles de propositions distincts.

Un premier ensemble regroupe de nombreuses aspirations, telles que l’abaissement des seuils d’intervention de l’ONIAM, l’assistance obligatoire par un Avocat et un Médecin Conseil, la réforme du barème médical de référence, etc Ces demandes légitimes ne faisant pas actuellement l’objet d’un consensus suffisant et impliquant pour certaines d’entre elles des moyens financiers supplémentaires, elles devront donner lieu à des propositions de réforme ultérieures.

En revanche, il existe un consensus suffisant pour  proposer  immédiatement une amélioration et une rationalisation du dispositif répondant aux souhaits de nombreux acteurs et n’exigeant aucun moyen supplémentaire. C’est ce seul volet qui sera ici présenté.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La loi n°2002-303 du 4 mars 2002, dite loi KOUCHNER a constitué un progrès historique pour l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, en instaurant notamment un droit à l’indemnisation de l’accident médical non fautif et une procédure de règlement amiable des litiges.

Cependant, les premières années d’application du texte ont fait apparaître des difficultés susceptibles, si elles ne sont pas rapidement corrigées, de mettre en péril les objectifs de la réforme.

Les principales critiques actuellement adressées au dispositif sont les suivantes :

  • la confusion trop fréquente chez tous les acteurs ( y compris certains Experts) entre l’ONIAM et la CRCI;
  • la lourdeur du fonctionnement des CRCI,
  • la composition trop nombreuse de la CRCI, qui à la fois empêche une comparution sereine de la victime, et rend difficile une appréhension véritable des dossiers par chacun de ses membres,
  • l’incapacité du dispositif amiable à respecter pleinement et dans toutes ses phases le principe du contradictoire,
  • le refus par les CRCI d’appliquer certains principes de droit établis de longue date par les Tribunaux, notamment en matière de causalité,
  • la position dominante de l’ONIAM, tour à tour payeur, Membre de la Commission, décideur, puis partie à l’instance juridictionnelle,
  • la présence des assureurs au sein de la Commission en qualité de membres délibérants  alors qu’ils peuvent être régleurs,
  • l’étanchéité des phases d’évaluation des dommages et de chiffrage des indemnités privant les victimes d’un interlocuteur unique au long du processus,
  • une certaine gestion des délais légaux qui parfois se retourne contre les victimes (report artificiel des dates de saisine, refus des renvois même demandés par la victime, etc),
  • la mobilisation d’une partie des moyens de l’ONIAM pour les recours qu’il doit exercer contre les assureurs,
  • l’absence totale de coordination entre les procédures juridictionnelle et amiable conduisant en pratique à un allongement des délais et à un alourdissement de la procédure.

OBJECTIFS DE LA RÉFORME

1) Supprimer les inconvénients qui viennent d’être rappelés, c'est-à-dire :

  • simplifier les procédures,
  • unifier le contentieux,
  • soumettre le processus amiable à de véritables garanties juridictionnelles
  • clarifier la position de l’ONIAM
  • renforcer le rôle des usagers et des professionnels de santé
  • éliminer le contentieux des recours ONIAM/assureurs grâce à l’unicité d’instance.

2)   Conserver les avantages du système actuel, c’est à dire :
  • faciliter l’accès au dispositif,
  • donner la priorité aux accords amiables,
  • indemniser certains accidents médicaux non fautifs.

3)  Le tout à moyens constants et mieux utilisés

CONTENU SYNTHETIQUE DE LA REFORME

La modification majeure consiste à fusionner en  juridictions uniques tous les moyens humains et matériels actuellement dédiés aux CRCI et aux Tribunaux lorsqu’ils statuent dans le domaine de la responsabilité médicale.

Ces juridictions uniques offriraient facilité d’accès, expertise gratuite, délais abrégés et garanties procédurales, combinant ainsi les avantages des deux circuits actuels.

Elles auraient également pour mission de faciliter le règlement amiable des litiges.

Elles supprimeraient le volumineux et coûteux contentieux des recours de l’ONIAM contre les assureurs, puisque la répartition entre la solidarité nationale et l’assurance de responsabilité serait fixée par la décision d’indemnisation.

Elles renforceraient le rôle des représentants d’usagers et de professionnels de santé en leur donnant une véritable fonction d’assesseurs du Président

Leurs décisions seraient susceptibles d’appel devant la Cour compétente selon l’auteur du dommage (Cour administrative pour les personnes publiques et Cour judiciaire pour les personnes privées).

Leur composition à trois membres (un magistrat professionnel et deux assesseurs) permettrait à moyens constants de démultiplier l’offre actuelle de règlement des litiges en faisant de chaque magistrat (actuellement en juridiction ou en CRCI) un président de section et de chaque membre de CRCI un assesseur

CONTENU DETAILLE DE LA PROPOSITION DE REFORME :

Article 1er :

Il est instauré dans le ressort de Chaque Cour d’appel une Commission d’Indemnisation des Accidents Médicaux.

Elle est chargée notamment de faciliter le règlement amiable des litiges.

Cette Commission a le caractère d’une juridiction unique statuant en premier ressort sur toutes les demandes d’indemnisation relatives aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales, quelle que soit leur gravité.

Elle comprend une ou plusieurs sections, selon le volume d’affaires à traiter.

Article 2 :

Les Commissions Régionales de Conciliation et d’Indemnisation sont supprimées.

L’ensemble de leurs personnels et de leurs moyens, précédemment gérés par l’ONIAM, ainsi que ceux des juridictions administratives et judiciaires précédemment consacrés au contentieux de la responsabilité médicale sont intégralement transférés aux Commissions d’Indemnisation des Accidents Médicaux.

Les juridictions des référés ne sont pas concernées par ce transfert et conservent toutes leurs attributions avant dire droit.

Article 3 :

Chaque section de la Commission est composée :

  • d’un Président, désigné parmi les Magistrats de l’ordre administratif ou judiciaire
  • d’un assesseur membre d’un collège formé par les Associations représentatives des personnes malades et des usagers du système de santé
  •  d’un assesseur membre d’un collège formé par les professionnels et les établissements de santé.

Les conditions de désignation et de formation des collèges seront précisées par un texte d’application.

Article 4 :

Les parties à l’instance peuvent être :
  • la personne s’estimant victime d’un dommage relevant de la compétence de la Commission, ses héritiers et toute personne estimant avoir souffert un dommage découlant de celui de la victime principale
  • le professionnel ou l’établissement de santé ayant prodigué les prestations ou fourni les produits supposés être à l’origine du dommage
  • tout assureur susceptible de garantir la responsabilité des personnes sus-mentionnées
  • l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux
  • les tiers payeurs énumérés à l’article 29 de la loi n°85203 du 5 juillet 1985.

Les personnes s’estimant victime d’un dommage relevant de la compétence de la Commission, leurs héritiers et toute personne estimant avoir souffert un dommage découlant de celui de la victime principale, disposent seules du pouvoir de saisir la commission.

Les  instances qui ne sont pas engagées par ces personnes relèvent des juridictions de droit commun.

Article 5 :

Les conditions d’accès gratuit à l’expertise et d’indemnisation des dommages par l’ONIAM demeurent celles posées par les lois n° 2002-303 du 4 mars 2002 et n° 2002- 1577 du 30 décembre 2002.

Si le dommage invoqué ne relève pas d’un accès gratuit à l’expertise, celle-ci pourra être ordonnée par la commission mais demeurera financée dans les conditions du droit commun.

Article 6 :

Les modalités pratiques de saisine des Commissions sont précisées par un texte d’application.

La procédure est orale et sans représentation ou assistance obligatoire.

Toutefois, chaque correspondance envoyée aux parties rappelle la possibilité de se faire assister ou représenter par un Avocat et un Médecin Conseil.

Article 7 :

A tout moment de la procédure les parties disposent de la possibilité de transiger dans les conditions du droit commun.

En cas de transaction, la Commission homologue ou refuse d’homologuer le projet d’accord dans un délai maximum de 4 mois.

Lorsqu’aucune indemnisation amiable, provisionnelle ou définitive  n’a été proposée aux demandeurs dans un délai de cinq mois après l’expertise, ou lorsque l’offre transactionnelle est manifestement insuffisante, la Commission peut sur décision spécialement motivée condamner le débiteur à une pénalité dont le montant et le bénéficiaire seront déterminés par un texte d’application.

Article 8 :

Le Président peut ordonner avant dire droit une expertise.

Le Président peut également décider qu’il n’y a pas lieu à expertise lorsqu’une telle mesure a été diligentée précédemment à la saisine de la Commission.

La décision sur l’expertise est prise sans audience dans un délai de 2 mois après la saisine de la Commission.

Toutefois, l’une des parties peut solliciter que cette décision soit prise après une audience publique.

Dans ce cas, le délai entre la saisine de la Commission et la décision du Président est porté à 3 mois.

A compter de leur désignation, les Experts disposent d’un délai de six mois pour déposer leur rapport.

Le Président peut également allouer à tout moment une provision en cas de demande d’une partie lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Toute demande de provision doit faire l’objet d’un débat lors d’une audience publique, dans les trois mois de la demande de provision.

Article 9 :

La Commission dispose après dépôt du rapport d’expertise d’un délai maximum de 6 mois pour statuer sur le droit à indemnisation du demandeur et sur le montant provisionnel ou définitif de cette indemnisation, ainsi que sur les droits des tiers payeurs, ou pour ordonner une contre expertise.

Lorsque le Président n’a pas ordonné d’expertise, ce délai court à compter de la demande initiale.

Le Président  fixe un calendrier aux parties pour présenter leurs observations et communiquer leurs pièces.

L’assureur et l’ONIAM, même en cas de contestation du droit à indemnisation, doivent faire connaître leur évaluation chiffrée des dommages constatés par l’Expert.

La Commission statue sur le fond en audience publique sauf demande motivée de l’une des parties.

Le Président veille à ce que la victime ou ses représentants, ainsi que l’ensemble des parties ait pu débattre de l’intégralité des points en litige.

En cas d’impossibilité manifeste pour le requérant de comprendre les points techniques en débat ou de chiffrer sa demande, le Président ordonne d’office le renvoi de l’affaire dans un délai qui n’excèdera pas quatre mois en invitant le demandeur à solliciter les conseils nécessaires auprès de professionnels qualifiés.
 
Article 10 :

Tous les délais prévus au présent texte sont prorogés de droit sur simple demande des personnes ayant saisi la Commission, à l’exception des délais de règlement qui sont impératifs.

Article 11 :

Les décisions de la Commission sont notifiées sans délai aux parties.

Elles sont exécutoires de plein droit même en cas d’appel.

L’absence de règlement spontané de l’indemnisation provisionnelle ou définitive dans un délai de deux mois entraîne pour l’assureur et l’ONIAM, outre les intérêts de droit, une sanction financière qui sera précisée par un texte d’application.

Article 12 :

Les décisions sont susceptibles d’appel devant la Cour d’appel territorialement compétente.
 
La notification de la décision indique aux parties les délais applicables.

Article 13 :

Les dispositions légales compatibles avec le présent texte demeurent inchangées.

Article 14 :

Les affaires pendantes devant les CRCI et les Tribunaux au jour de l’entrée en vigueur de la réforme seront transférées aux nouvelles commissions lorsqu’elles relèveront de leur compétence, selon des modalités précisées par un texte d’application.


Ce projet est fait pour être amélioré et enrichi :
toutes suggestions ou observations peuvent être envoyées à l’adresse électronique suivante : contact@anadavi.com