Jurisprudence

Fil des billets

mercredi 19 février 2025

Abrogation partielle du référentiel de l'ONIAM

Le 22 avril dernier, nous vous faisions part du dépôt d’un recours en annulation contre le référentiel de l’ONIAM devant le Conseil d’Etat, conjointement par l’ADDAH 33, l’ANADAVI et une victime, représentées par notre confrère Me Pierre-Marie PIGEANNE.

Le Conseil d’Etat a rendu son arrêt le 31 décembre 2024 dans lequel il énonce que le référentiel de l’ONIAM méconnaît le principe de réparation intégrale dans ses dispositions relatives au remboursement des frais de conseil (médecin et avocat), des frais d’obsèques, frais divers des proches et du forfait hospitalier, pour lesquels il applique un plafond.

Le Conseil d’Etat ajoute que l’ONIAM commet une erreur manifeste d’appréciation s’agissant des taux horaires relatifs à l’assistance par tierce personne, en ce que les montants proposés par le référentiel sont significativement inférieurs au montant du SMIC, augmenté des cotisations sociales à la charge de l’employeur.

Par la même occasion, le Conseil d’Etat indique de façon on ne peut plus limpide que l’indemnité due au titre du besoin d’assistance par tierce personne doit être fixée par référence à un taux horaire correspondant soit «  au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat » et rappelle que l’indemnité due à ce titre n’est pas conditionnée à la production de justificatifs de dépenses effectuées par la victime.

L’ONIAM dispose d’un délai de 6 mois pour abroger ou modifier son référentiel sur ces différents points.

Nous regrettons que le Conseil d’Etat n’ait pas été plus loin puisqu’ont été rejetées les demandes visant à annuler le référentiel de l’ONIAM sur les dispositions concernant son barème de capitalisation et le chiffrage des postes de préjudices extra-patrimoniaux. S’il « tolère » ces dispositions critiquées, c’est au motif qu’il ne s’agirait que de « lignes directrices » que l’Office ne serait pas tenu de suivre. La réalité est autre puisque les gestionnaires d’offres de l’Office ne s’écartent pas de ces frontières bien gardées.

Au-delà, il faudra observer si les juges administratifs du fond vont prendre conscience de l’inopportunité d’utiliser le référentiel d’une administration pour condamner l’administration. « Une vérité qui dérange » selon les propos du rapporteur public…

Nous remercions chaleureusement notre confrère PIGEANNE pour son action.

CE, 5 ème et 6 ème ch. réunies, 31 déc. 2024, n°492854.

vendredi 20 janvier 2023

La rente accident du travail ne répare pas le déficit fonctionnel permanent

Par deux décisions rendues le 23 janvier 2023, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a effectué un important revirement de jurisprudence en décidant désormais que " la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent ".

  • Cour de cassation, Assemblée plénière, 20 janvier 2023, Pourvoi n° 20-23.673, publié au Bulletin - publié au Rapport,
  • Cour de cassation, Assemblée plénière, 20 janvier 2023, Pourvoi n° 21-23.947, publié au Bulletin - publié au Rapport.

Cette solution va donc permettre désormais aux victimes de faute inexcusable ou de maladie professionnelle de solliciter l'indemnisation du poste de déficit fonctionnel permanent ; elle va également profiter à toutes les victimes d'accident de travail qui poursuivent contre quelque tiers que ce soit une indemnisation puisque, dans le cadre du recours des tiers payeurs la rente AT ne pourra plus venir s'imputer -après épuisement des postes de PGPF et d'incidence professionnelle- sur le poste de déficit fonctionnel.

mercredi 13 novembre 2013

Barème de capitalisation : le millésime 2013 : un cru déjà apprécié et à conserver !

Le 3 avril dernier, nous vous informions que la Gazette du Palais dans son édition du 27 mars, publiait un nouveau barème de capitalisation élaboré par un actuaire expert judiciaire, établit sur la base des dernières tables de mortalité définitives de l'INSEE et un taux de capitalisation de 1,20 %.

 Aujourd'hui l'ANADAVI se réjouit de voir que, comme une tâche d'huile, le recours à ce barème se répand sur notre territoire puisqu'un grand nombre de Cours d'Appel l'a déjà utilisé pour liquider les préjudices futurs des victimes.

C'est ainsi que précurseur, la CA Rouen, chambre de l’urgence et de la sécurité sociale, 19 juin 2013, n° 12/02276, n° 12/03652, n° 12/04576, n° 12/04827 (contentieux de l’amiante) a jugé, à propos du déficit fonctionne permanent, que: "l’indemnisation par capitalisation doit prendre en compte l’espérance de vie actualisée avec un taux d’intérêt pertinent eu égard à l’évolution du loyer de l’argent ; que tel est le cas du barème publié par la Gazette du Palais le 27 mars 2013 qui se réfère à des données démographiques récentes et retient un taux d’intérêt de 1,2 %";

Suivie de près par la CA Douai, 3e ch., 27 juin 2013, n° 12/03540 qui, à propos du préjudice économique futur, a considéré que: "Le FIVA ne démontre pas en quoi la table qui sert de référence au droit commun de la réparation des préjudices et dont [la victime] demande l’application serait moins pertinente que la sienne. Il convient donc de faire application barème 2013 de la gazette du palais" ;

Il en a été de même de la CA Versailles, 5e ch., 4 juillet 2013, n° 12/00935 (contentieux de l’amiante) qui a considéré : "qu’en ce qui concerne le barème d’indemnisation en capital dont les composantes sont d’une part les paramètre de vie escomptée par les tables de mortalité et d’autre part le taux d’intérêt, il convient de constater que les paramètre retenus par le FIVA sont fort anciens (2002) alors que d’autres paramètres ont été publiés en 2004, en 2011 puis récemment en 2013 (Gazette du Palais de mars 2013) ; qu’ainsi les derniers paramètres 2013 reposent sur des critères actualisés prenant en considération les tables d’espérance de vie les plus récentes publiées par l’Insee et un taux d’intérêt de 1,20 %, inférieur à ceux des précédents barèmes, mais qui prend en compte l’évolution de coût de la vie et du taux d’inflation" ;

C'est également ce qu'a jugé la CAA Nantes, 3e ch., 3 octobre 2013, n° 13NT00882 et alors que la demanderesse soutenait qu’il y avait lieu d’appliquer, au titre de la tierce personne, le barème publié à la Gazette du Palais 2013 au taux de 2,35 %, a considéré qu’ "au titre des dépenses futures, sur la base d’un taux horaire fixé à 10,61 euros inférieur au taux retenu ci-dessus pour tenir compte de l’exonération partielle des charges sociales dont bénéficiera Mme A…, et du prix de l’euro de rente compte tenu de l’âge de l’intéressée défini par le barème de capitalisation précité actualisé en 2013…." ;

Pour la CA Poitiers, 3e ch., 9 octobre 2013, n° 12/03412 : "Si le tribunal ne l’a pas indiqué expressément dans sa décision, il semble qu’il ait appliqué le barème de capitalisation de la Gazette du Palais publié les 4 et 5 mai 2011. Monsieur X. souhaite voir appliquer ce barème en ce qu’il a été réactualisé par publication à la Gazette du Palais des 27 et 28 mars 2013, fondé sur un taux d’intérêts de 1,2 %. La MACIF s’oppose à l’application de ce dernier barème et sollicite l’utilisation du barème de capitalisation BCIV 2013 (TEC 10). Le barème publié par la Gazette du Palais des 27 et 28 mars 2013 est, au jour du présent arrêt, le plus approprié et sera appliqué si nécessaire pour capitaliser les dépenses que la cour estimerait devoir convertir" ;

Et l'ANADAVI se réjouit d'autant plus qu'elle constate que les juridictions administratives l'ont elles aussi adopté: la CAA Paris, chambre 3, 17 octobre 2013, n° 12PA04899, pour capitaliser la perte de revenus et, le TA Paris, 31 mai 2013, n° 0907596/6-1.

mardi 5 mars 2013

Victime décédée - Frais de garde d'enfant et tierce personne

Par un arrêt du 28 février 2013 (pourvoi n° 11-25446 et 11-25927) la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que les frais de garde et d'éducation d'un orphelin ne pouvaient être considérés comme des besoins en tierce personne dès lors que ce dernier ne présentait aucun "déficit fonctionnel réduisant son autonomie".

Il convient donc de prendre garde à la qualification de ce poste de préjudice, étant entendu que certains arrêts ont d'ores et déjà considéré qu'il s'agissait de perte de revenus ou d'industrie de la victime indirecte. Concernant les victimes indirecte qui ne subissent pas de perte de revenus (comme en l'espèce) ce poste de préjudice peut également être inclus dans le poste de frais divers (les frais de garde d'enfant de la victime directe étant d'ailleurs eux-même inclus dans le poste de frais divers).

Il faut bien se garder, en revanche, de conclure que la Cour de cassation poserait le principe selon lequel ce poste de préjudice (découlant indubitablement du fait dommageable) ne serait pas indemnisable. La décision se cantonne à fixer les contours de l'assistance par une tierce personne, laquelle découle nécessairement d'une perte d'autonomie, ce qui n'est bien évidemment pas la situation du mineur dont l'autonomie n'est pas intrinsèquement modifiée par le fait dommageable.

 Cet arrêt fera l'objet d'un commentaire prochain à la Gazette du Palais — dont les références seront signalées le moment venu.